Aïd El Fitr a toujours été une occasion pour des retrouvailles et des rencontres familiales. C’est aussi une occasion d’échanges et de visites marqués essentiellement par le partage des plats et la dégustation des délices typiques de chaque région. A Sfax, en plus de sa pâtisserie très appréciée et très reconnue, les Sfaxiens préparent un plat très spécial, la Charmoula et Hout El Malah (poisson salé) tels le mérou, le mulet et la morue.
Le changement des habitudes alimentaires durant le mois de Ramadan affecte notre corps. Les repas rapprochés et tardifs causent quelques problèmes au niveau de l’appareil digestif. De plus, la quantité d’eau que nous buvons est insuffisante. Et dans cette logique des choses, les Sfaxiens préparent ce fameux plat à base de poisson salé. Le poisson salé pousse à boire beaucoup d’eau et le goût sucré-salé de la Chermoula et sa composition même (oignons et raisins secs) facilitent la digestion. Donc, ce mélange sucré-salé provoque un sentiment de soif et permet de réhydrater le corps après le mois de jeûne.
Un savoir-faire traditionnel en voie de disparition
Auparavant, la famille sfaxienne prépare le poisson salé avant des mois de l’Aïd. Elle utilise la technique de salage, un savoir-faire ancestral et artisanal qui consiste à réduire la quantité d’eau et empêche le développement des bactéries. Une fois le poisson frais vidé, il est totalement couvert de sel, bien enroulé dans un tissu et conservé dans un lieu sec et obscur.
De nos jours, malheureusement les habitudes changent et ce savoir-faire traditionnel est en voie de disparition. Quelques familles seulement conservent ces anciennes techniques de séchage. Aujourd’hui, le poisson salé d’une manière industrielle est commercialisé au grand marché de poisson de Bab Jebli. Chaque année, et durant la deuxième moitié du mois de Ramadan, l’ambiance est très authentique dans ce marché. Une atmosphère conviviale, unique et typiquement sfaxienne règne sur le lieu. Désormais, la vente du poisson salé se fait à la criée. Une vieille méthode de vente aux enchères se réalise de façon traditionnelle. Au milieu du marché, le crieur ou dallel, comme il est nommé par les Sfaxiens, est debout sur une chaise. Il prend dans sa main un lot de poissons. Une fois, la vente lancée, il annonce le prix de base. Les clients surenchérissaient avec des signaux propres à chacun et bien connus du crieur. Leurs offres doivent être faites à la hausse. L’acheteur qui veut faire une offre n’a qu’à hocher la tête, lancer un simple regard ou un clin d’œil.
De la morue à la baliote
Toutefois, la bourse des prix du poisson salé a connu une flambée. Le mérou, ce poisson noble très apprécié par les Sfaxiens, est vendu à 78 dinars le kilo. Donc, vu la cherté de ce poisson, la majorité des familles sfaxiennes achètent les filets de morue importés d’Europe. Cette année, les prix de cette espèce oscillent entre 40 et 45 dinars. D’autres familles se ruent vers la baliote qui est commercialisée entre 30 et 48 dinars le kilo.
En ce qui concerne la Charmoula, cette sauce sucrée, elle est préparée à base d’oignons coupés et cuits dans une quantité généreuse d’huile d’olive. Une fois les oignons dorés, on ajoute des raisins secs moulus, dilués dans l’eau et tamisés pour obtenir le jus de raisins. Le mélange obtenu est cuit à feu doux jusqu’à l’obtention d’une sauce épaisse qui sera parfumée aux quatre épices (mélange de clou de girofle, cannelle, clous de rose et cubèbe) et au mastic de Chios.
Cette année, le kilo de raisins secs est commercialisé à 35 dinars. Donc, une bonne Charmoula sfaxienne accompagnée de poisson salé coûte cher. Elle peut atteindre facilement 100 dinars. Bonne dégustation !